La perception des acteurs sur l’utilisation de l’herbe dans les systèmes caprins du Grand Ouest sera déterminée par entretiens semi-directifs : utilisation de l’herbe en termes d’image, de qualité, de régularité et de rentabilité i) en élevages utilisant ou non une grande part d’herbe dans la ration des chèvres ii) auprès des autres acteurs des filières en veillant à l’équilibre des acteurs selon la valorisation du lait au sein de démarches de qualité comme de transformation fermière ou non.
Retrouvez l’intervention réalisée lors du séminaire final du PSDR Flèche
L’action VR1 du projet PSDR Fleche était centrée sur les exploitations et les éleveurs, et visait à préciser les intérêts et les freins techniques, économiques, environnementaux ou culturels exprimés concernant l’accroissement de la part d’herbe pâturée ou conservée dans la ration des chèvres, et la place de la prairie dans la recherche d’autonomie alimentaire. Les élevages caprins du Grand Ouest représentent 46% de l’effectif national de chèvres et 64% du lait livré (Agreste-2018) donc fortement contributeurs au marché des produits caprins. Outre le besoin d’être durables, ils sont également particulièrement soumis aux attentes des citoyens et des consommateurs. L’amélioration de l’autonomie alimentaire via une utilisation accrue de l’herbe dans les systèmes fourragers paraît être un levier intéressant d’amélioration de la durabilité des systèmes caprins du Grand Ouest. Une utilisation accrue de l’herbe au sein de ces systèmes permettrait également d’être plus en accord avec les attentes sociétales concernant le bien-être animal.
Une telle étude a été menée afin de mieux appréhender les perceptions des acteurs sur le potentiel de valorisation de l’herbe dans les systèmes caprins. Les objectifs de cette étude portaient sur les représentations, les systèmes de valeurs, les intérêts et les systèmes de contraintes (techniques, économiques, etc.) qui orientent les pratiques de l’ensemble des acteurs de la filière : éleveurs, acteurs de l’amont et de l’aval. Ce travail d’enquêtes a été réalisé en Poitou-Charentes (région Nouvelle-Aquitaine), et en régions Pays de la Loire et Bretagne, respectivement en octobre 2016 et octobre 2017. Les informations ont été récoltées à partir de visites et d’entretiens semis-directifs enregistrés avec les principaux acteurs des filières caprines des deux territoires. Les entretiens ont été réalisés sur site par les étudiants ingénieurs et masters de la spécialisation « Sciences et productions animales » d’AGROCAMPUS OUEST et leurs encadrants. Les guides d’entretien étaient adaptés en fonction des catégories d’acteurs enquêtées couvrant ainsi l’ensemble des acteurs des filières caprines. Les catégories identifiées étaient : les éleveurs, les acteurs de la formation/ recherche, les instituts techniques, agence et conseils élevage, les syndicats, groupements de producteurs et abattoir, les grandes et petites centrales laitières-laiteries, les coopératives et firmes de services, la gestion de la santé, les administrations régionales, l’économie rurale et les financeurs. Le traitement des enquêtes s’est fait de façon qualitative par type d’acteurs, par territoire et par thématique relevée. Les perceptions autour de l’herbe, sous toutes ses formes, conservées et en vert, était le cœur de l’enquête. Mais cette étude a permis également un focus particulier sur la place de l’herbe pâturée au sein des systèmes caprins par ces mêmes acteurs.
76 entretiens semi-directifs ont ainsi été réalisés auprès de l’ensemble des acteurs des filières caprines, sur les 3 territoires (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes) selon leur représentation géographique. Les enquêtes auprès d’éleveurs ont couvert une grande diversité de systèmes de production et de produits.
La place de l’herbe sous toutes ces formes au sein des systèmes caprins Selon les discours des acteurs rencontrés, un état des lieux des filières caprines a été effectué, permettant de révéler : i) qu’il existe un besoin croissant en lait, conventionnel comme en démarche biologique, autorisant une diversité de systèmes, et un développement de la production caprine vers le Nord-Ouest- Nord Pays de la Loire et Bretagne) ; ii) l’importance de la charge de travail dans les systèmes caprins et les effets induits sur les possibilités d’évolutions des ateliers (frein au changement et reprise des exploitations). L’herbe en tant que telle n’apparait pas comme un challenge énoncé par ces acteurs mais pourrait se révéler comme un levier. La plupart des acteurs de la filière perçoivent la valorisation de l’herbe comme un atout potentiel pour renforcer la résilience des exploitations, et l’impulsion d’une telle transition est également perçue comme souhaitable et appuyée par les collectivités territoriales concernées. Cependant, dans la pratique, chacun des acteurs semble confronté à un univers de contraintes qui limitent la diffusion effective des systèmes herbagers. Ainsi les principaux freins avancés sont l’accès au foncier, et notamment en lien avec la taille des cheptels caprins, la fluctuation de la production d’herbe en fonction de la météo, et donc de la production laitière en quantité comme en qualité, mais aussi le travail supplémentaire demandé et la technicité que requiert la conduite des systèmes herbagers (culture de l’herbe, qualité des fourrages récoltés, adéquation de l’équipement pour la distribution alimentaire…).
Selon les acteurs rencontrés, les perceptions liées à l’utilisation de l’herbe pâturée sont dans un même ordre d’idées que celles de l’herbe en général. Les acteurs sont unanimes pour déclarer que l’herbe pâturée permet de véhiculer une image positive de la filière, rejoignant les attentes des citoyens-consommateurs. L’utilisation de l’herbe pâturée est cependant dépendante du contexte pédoclimatique (plus favorable à la pousse de l’herbe en Bretagne et Nord Pays de la Loire qu’en Vendée et Poitou-Charentes). Toutefois, ils relèvent et insistent sur les freins techniques de cette pratique avec, en premier lieu, le parasitisme puis la technicité que requiert la conduite du pâturage, avec un renforcement des freins déjà énoncé pour l’herbe, à savoir : gérer les lots d’animaux et les surfaces nécessaires au pâturage dans un contexte d’agrandissement des troupeaux et de compétition sur le foncier, prise en compte de l’aléa sur la production laitière, en quantité et en qualité, aléa dû aux fluctuations de la pousse de l’herbe. Cette grande technicité de gestion des systèmes pâturants est un frein énoncé pour les éleveurs tout comme par leur encadrement technique (conseillers, formation). Une certaine frilosité de l’encadrement technique (conseillers, laiteries) envers les systèmes pâturants a été notée, surtout dans les zones traditionnelles de production. Cette frilosité peut, en partie s’expliquer par une diffusion des connaissances et des références (techniques et économiques) autour de la conduite des systèmes pâturants à améliorer auprès des conseillers notamment, mais aussi lors de l’enseignement des futurs éleveurs et conseillers.
Les enquêtes ont révélé également que la diffusion des systèmes alimentaires herbagers pâturants pourrait également être freinée par des difficultés d’accès au crédit. En effet, les représentants des instituts de crédit interrogés manifestent une forme de réticence vis à vis de ces systèmes, qu’ils attribuent à l’absence de références techniques consolidées. Cette hypothèse demanderait néanmoins à être vérifiée auprès d’un nombre plus important d’instituts de crédit.
Si, en principe, la plupart des acteurs de la filière perçoivent la valorisation de l’herbe comme un atout potentiel pour renforcer la résilience des exploitations, dans la pratique, chacun d’entre eux est confronté à un univers de contraintes qui limitent la diffusion effective des systèmes herbagers. Dans cette configuration potentiellement favorable pour engager des changements de pratiques, les éleveurs, en dépit de leur hétérogénéité (laissant à certains davantage de marges de manœuvre pour oser des conversions herbagères), se retrouvent confrontés à des perspectives professionnelles incertaines car peu balisées et insuffisamment soutenues par l’ensemble des agents parties prenantes. L’articulation des freins relevant des différents maillons de la filière, entraîne une forme d’inertie, qui empêche l’adoption de pratiques pourtant perçues comme souhaitables par la plupart des acteurs. Ce travail mené dans le cadre du projet PSDR Fleche a permis de mettre en exergue ces freins à différents échelons de la filière, des pistes de réflexion et de dégager des actions futures possibles pour la diffusion des systèmes herbagers.
-* Partenaires et remerciements Nous remercions l’ensemble des partenaires et des financeurs du projet PSDR Fleche ainsi que l’ensemble des acteurs ayant été enquêtés. Merci aux étudiants ingénieur « Sciences et Ingénierie en Productions Animales » et du Master “Sciences de l’animal pour l’élevage de demain” d’Agrocampus Ouest, qui ont mené les entretiens.
Pour aller plus loin …
Anne-Lise Jacquot, Pierre-Guy Marnet, Jocelyne Guinard-Flament, Daniele Inda, Catherine Disenhaus. Perception du pâturage par les acteurs de la filière caprine dans le Grand Ouest, Fourrages, Association Française pour la Production Fourragère, 2019, 238, pp.167-170 Part : 1. Daniele Inda, Anne-Lise Jacquot, Pierre-Guy Marnet, Catherine Disenhaus, Jocelyne Guinard-Flament, Benoit Coquard, Benoit Leroux. Autonomy and forage grasses in goat farming of western France. First results of a sociological survey. Joint meeting FAO- CIHEAM. Networks on sheep and goats and mediterranean pastures, Oct 2019, Meknes, Morocco.
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