Une diversité d’espèces et de mélanges ont été mis en place chez les éleveurs du REDCap et à Patuchev. A la lumière des mesures réalisées en fermes et en station expérimentale, quels mélanges et quelles espèces associer pour améliorer l’autonomie alimentaire ? Quels en sont les enseignements et quelles valorisations concrètes ?
Concevoir un système fourrager à base d’herbe offre une multitude de possibilités à l’éleveur : de la prairie semée en pur au mélange multi-espèces. Une difficulté majeure est le choix des espèces à associer. Le réseau REDCap et le dispositif expérimental Patuchev ont développé et testés en ferme 5 mélanges prairiaux adaptés aux chèvres entre 2012 et 2024.*
Une conception pas-à-pas de mélanges prairiaux adaptés aux systèmes étudiés à Patuchev
Au cours des 10 dernières années, en complémentarité avec les travaux conduits chez des éleveurs caprins du réseau REDCap, plusieurs mélanges ont été testés sur le dispositif Patuchev. Des choix techniques forts ont été faits : associer systématiquement plusieurs espèces et ne pas utiliser d’azote minéral, ni de produit phytosanitaire.
Sur la période 2013-2017, trois mélanges, constitués principalement de luzerne, trèfle violet, fétuque élevée, brome et fléole ont été mis en place dans chaque système. Les premiers résultats ont montré un salissement important lors de la 1ère année et qui se maintenait en 2e année, en particulier dans les parcelles non pâturées et qui pouvait trouver une explication par le choix d’espèces à implantation lente. L’association de la luzerne et du sainfoin avec le trèfle violet a montré également les difficultés de coexistence de ces 3 espèces. A cela s’ajoute la faible proportion de brome à la récolte, que l’on retrouve principalement dans les entrées de parcelles, probablement lié à son appétit pour les zones fertilisées en azote.
Face à ce constat, après l’utilisation durant 2 ans d’un seul mélange contenant toutes les espèces des précédents mélanges avec, au final, des résultats peu concluants, il a été décidé dès 2019, de construire 2 mélanges, l’un à base de trèfle violet (PME) et l’autre à base de luzerne (Mleg), de remplacer le brome par du ray-grass anglais pour sa rapidité de couverture après le semis et d’utiliser plusieurs variétés pour une même espèce.
Sur la période 2019-2023, les rendements moyens du mélange PME évoluent entre 5,2 et 8,8 T MS/ha selon l’âge de la prairie et le mode d’exploitation (pâturage/fauche ou fauche exclusive). Pour le mélange Mleg, les rendements évoluent entre 5,9 et 8,6 T MS/ha selon l’âge de la prairie et le mode d’exploitation. Ces rendements permettent ainsi de subvenir aux besoins annuels en fourrages d’environ 6 à 7 chèvres suitées/ha
Concernant la qualité de ces mélanges, la teneur moyenne en MAT au moment de l’exploitation est comprise entre 15,8 et 16,8 % de MAT selon l’année, avec des teneurs allant de 12,3 % à 22,8 %. La teneur moyenne en NDF est de 43,9 %. Quel que soit le mélange, le stade au moment de l’utilisation constitue un impact beaucoup plus important sur les valeurs biochimiques.
D’un mélange passe-partout à une diversité de mélanges selon le contexte pédoclimatique et l’utilisation dans le réseau REDCap
Entre 2012 et 2020, 5 mélanges prairiaux ont été implantés et suivis chez 27 éleveurs de chèvres (44 parcelles) de Nouvelle-Aquitaine et des Pays de la Loire. Ces mélanges ont été co-construits avec les éleveurs, conseillers, semenciers et chercheurs de la filière caprine régionale (réseau REDCap), afin de répondre à l’objectif de proposer des mélanges adaptés aux contextes pédoclimatiques, productif, riche en légumineuses et pérenne.
Un premier mélange de 9 espèces a été testé entre 2012 et 2015. Le ray-grass italien et le trèfle violet occupent entre 70 et 80% de la biomasse. Le rendement de la deuxième coupe est de 3,1 T MS/ha (+/- 1,8) et la valeur en protéines brutes est de 158 g de MAT/kg MS (parcelles pâturées) et 130 g de MAT/kg MS (parcelles fauchées). Ces observations ont permis d’affiner le mélange. L’équilibre des espèces semées à l’automne 2015 était plus intéressant, même si le taux de légumineuses reste faible. Le rendement moyen de la 2ème coupe est de 1,6 T MS/ha, pour une teneur en protéines brutes de 133 g/kg MS. En 2017, nous avons à nouveau affiné la composition des mélanges. Les meilleures parcelles produisent en 2ème année d’exploitation (2ème coupe) 2,3 T MS/ha d’herbe verte à 17,5 % de MAT.
Ces mélanges affinés durant 8 ans ont permis de proposer des compositions de prairies multi-espèces adaptées aux chèvres et au contextes pédoclimatiques de l’ouest de la France. La conduite agronomique des prairies (notamment l’implantation, la fertilisation et la récolte de ces prairies) joue en effet un rôle important dans l’évolution de la prairie (composition, rendement et valeur alimentaire).
Intervenant.e.s : Benoit Ranger, Fabien Surault et Bernadette Julier (INRAE), Théophane Soulard (Seenovia) et Anne-Laure Lemaitre (CIA 17-79), Philippe Desmaison (AgroBioNA)