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"Déficit fourrager : on ne vous fera plus le coup de la panne !"

"Déficit fourrager : on ne vous fera plus le coup de la panne !"

Dérobées, nouvelles espèces fourragères, modes de récolte : les pistes ne manquent pas pour faire face à un déficit fourrager.

Ces dernières années, les stocks en fourrage ont été mis à rude épreuve, suite à des printemps ou automnes humides, et des sécheresses où la constitution de stocks est difficile. Les réponses apportées peuvent être alors des « mesures d’exception », prises dans l’urgence et ponctuellement. Mais, face à la répétition de ces situations, une réflexion doit être menée à moyen/long terme pour sécuriser son système fourrager.

  • Un bilan fourrager pour faire un état des lieux !

Faire le bilan des fourrages produits et le comparer aux besoins du troupeau est un préalable nécessaire pour déterminer les leviers d’action à mettre en place. A minima, il faut viser l’équilibre. Idéalement, prévoir entre 3 et 4 mois de report de stock en fourrages d’une année sur l’autre, afin de sécuriser son système. Il est aussi essentiel d’avoir un chargement pertinent, c’est-à-dire avoir une cohérence entre la surface disponible en fourrage et le nombre de chèvres ! En fonction des rendements de vos prairies, cela représente environ 6-8 chèvres par hectare de surface fourragère.

  • Des dérobées ou des cultures doubles fins ?

Cultiver des fourrages en dérobées peut représenter une ressource complémentaire pour sécuriser son système fourrager. Implantées entre deux cultures, les cultures dérobées permettront plusieurs récoltes complémentaires de fourrage, généralement en fin d’été/automne ou au début du printemps. Elles pourront facilement être pâturées ou affouragées. Selon les conditions météo, une récolte en foin ou en enrubannage sera réalisable. L’implantation de dérobées peut être une solution pour faire une soudure l’été (sorgho, moha, avoine brésilienne notamment). Un semis avant le 15 août de colza fourrager, trèfles d’Alexandrie et de perse, pois et vesce fourragers de printemps, RGI alternatif (des espèces sensibles au gel), permettra de produire du fourrage pour la fin d’été et l’automne. Un peu d’irrigation peut ponctuellement permettre la production d’herbe durant l’été. La valorisation de ces cultures fourragères de soudure d’été pourra se prolonger durant l’automne, en étalant les semis. Un semis d’intercultures entre le 15 août et le 15 septembre d’espèces moins gélives permettra d’avoir un peu de fourrage à l’automne (valorisé en vert), et surtout en tout début de printemps suivant (trèfle violet ou incarnat, RGI non-alternatif, RGH…). L’idéal est de mélanger légumineuses et graminées ou crucifères pour avoir un fourrage plus riche et qui sèchera mieux. Un mélange Ray-Grass/trèfle incarnat permettra un rendement en début de printemps d’environ 3 t de MS/ha, avec une valeur en vert de 17 % de protéines (MAT). Un colza fourrager implanté en août sera valorisé (notamment en affouragement en vert) durant l’automne, où 3 t MS pourront être récoltées, à 13 % de MAT. Il ne s’agit donc pas d’un complément fourrager négligeable pour les chèvres, tant en qualité qu’en quantité (données issues du programme Herbe et Fourrages Limousin).

  • À moyen terme : repenser son système fourrager

Face à la multiplication d’un manque de fourrage, une réflexion globale sur le système fourrager doit être engagée : ai-je des prairies suffisamment pérennes et productives pour mes conditions pédoclimatiques ? Est-ce que je choisis le meilleur mode de récolte ? Est-ce que je peux m’appuyer sur un voisin céréalier pour sécuriser ma production de fourrages ? Dans des parcelles fraîches, à risque d’alternance hydrique, privilégier des espèces telles que les trèfles (violet, hybride et/ou blanc) ou la fléole, qui seront plus à leur aise. Tandis que dans des parcelles séchantes, la luzerne ou la fétuque élevée prolongeront la période d’utilisation. Le choix du mode de récolte est également important : faire une première coupe en enrubannage permettra de récolter un fourrage de qualité au début de printemps et assurera des coupes suivantes de qualité et en quantité. Le séchage en grange (en botte ou en vrac) peut également être une assurance récolte, qui vous permettra de constituer vos stocks. Si les terres vous manquent, la contractualisation avec un voisin peut être intéressante pour vous, mais également pour les rotations de votre voisin ! Un échange gagnant-gagnant est alors possible, et pour s’assurer de la qualité de la récolte, la fauche peut être réalisée par l’éleveur. Le choix de la période de mises-bas est également important, pour valoriser au mieux la pousse de l’herbe… notamment dans les systèmes valorisant de l’herbe verte. Ne pas gaspiller l’herbe non plus : la pousse automnale peut représenter 20-25 % de la production annuelle, avec des valeurs alimentaires proche de la 2e coupe ! Par contre, la récolte est plus délicate (même en enrubannage). Un affouragement ponctuel à l’automne peut permettre de valoriser cette herbe ! Dans tous les cas, prévoir de la trésorerie L’implantation de dérobées, de nouvelles prairies ou une modification de système alimentaire représente toujours des coûts de mise en place, qui ne sont pas à négliger !

  • Et dans l’avenir : pourquoi ne pas utiliser les arbres, arbustes et lianes au pâturage ?

Les arbres, arbustes et lianes constituent potentiellement une ressource fourragère mobilisable et intéressante, en particulier lorsque les fourrages traditionnellement pâturés sont moins disponibles (été, automne), en raison de conditions climatiques défavorables. Les feuilles estivales de 27 espèces ont été analysées par l’Inra de Lusignan à l’été 2016. Une grande variabilité existe, notamment sur la valeur protéique de la feuille, mais certaines espèces approchent 16-18 % de MAT. Plusieurs espèces présentent un excellent profil tant pour leur valeur protéique que pour leur valeur énergétique : mûrier blanc, frêne, tilleul, aulne de Corse et un certain nombre de lianes et d’arbustes. Peut-être constitueront-elles une ressource fourragère complémentaire dans l’avenir, pour la chèvre qui « traditionnellement » les consomme ?

Intervenants : Eric Pottier (Institut de l’Elevage), Sébastien Minette (Chambre d’Agriculture de Nouvelle-Aquitaine), Jean-Claude Emile (Inra), Coline Bossis (Chambre d’Agriculture de la Vienne), Pauline Gauthier (Chambre d’Agriculture de la Charente) et Bastien Dallaporta (FR Civam Poitou-Charentes).

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