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Visite du dispositif Patuchev

Visite du dispositif Patuchev

L’utilisation de plantes à composés bioactifs secondaires, la valorisation des méteils en grains entiers ou aplatis et les modèles de brosses préférés par les chèvres

Nombre de Chèvres : 248

Adresse : 79370 VITRE

L’enjeu du dispositif Patuchev est de concevoir des élevages de chèvres laitières plus durables. Pour cette édition, nous vous présenterons plusieurs essais ponctuels conduits au cours des trois dernières années, et dont les résultats ont permis d’évaluer des solutions techniques contribuant à atteindre la triple performance. En 2013, INRAE a mis en place l’expérimentation-système PATUCHEV à Lusignan (UE FERLUS) avec pour objectif de répondre à la question : quels types de systèmes d’élevages permettraient une meilleure autonomie en intrants sous contrainte de production ? Cette démarche associe la recherche de la performance économique, environnementale et sociale pour concevoir des élevages de chèvres laitières innovants. L’enjeu est de maximiser la part d’herbe, pâturée ou en foin, dans l’alimentation des chèvres pour une agriculture préservant les ressources et respectueuse de l’environnement. Afin d’évaluer différentes solutions techniques, les trois conduites du dispositif Patuchev (désaisonné bâtiment, désaisonné pâturage et saisonné pâturage) ont été support de plusieurs essais factoriels de courte durée au cours des dernières années. Cela concernera ainsi la consommation de plantes à composés bioactifs secondaires, la valorisation des méteils en grains entiers ou aplatis et les modèles de brosses préférés par les chèvres.

  • Les plantes à composés bioactifs secondaires : réponses zootechniques et impacts sur les qualités des laits et des fromages

La simplification des systèmes fourragers au cours des dernières décennies a entrainé le développement de cultures et de prairies temporaires à diversité spécifique limitée. Ce n’est que ces dernières années qu’a été redécouvert l’intérêt de certaines espèces (et assemblages d’espèces), tant pour le fonctionnement du sol, son aptitude à la résilience que pour les effets sur la santé de l’animal, mais aussi sur la qualité des produits lait et viande. Certaines de ces plantes fourragères sont également riches en « métabolites secondaires bioactifs » : tanins condensés, polyphénols, monoterpènes qui présentent des propriétés bénéfiques concernant la santé animale : antiparasitaires et antimétéorisantes. Lorsque ces plantes avec une valeur nutritionnelle intéressante sont proposées aux animaux et sont ingérées de manière volontaire, celles-ci prennent le nom d’alicament. Le sainfoin est une de ces légumineuses fourragères, connue pour les différentes propriétés citées ci-dessus et son action antiparasitaire en raison de fortes teneurs en tannins condensés. Cependant, la plupart des résultats ont été obtenus dans le cadre d’essais en laboratoire ou d’animaux infestés de manière expérimentale.

Entre 2019 et 2021, plusieurs essais factoriels ont été menés sur les trois troupeaux du dispositif Patuchev pour évaluer l’impact d’un régime à base de plantes à métabolites secondaires bioactifs, telles que le sainfoin ou le plantain lancéolé, sur les performances zootechniques, la gestion du parasitisme gastro-intestinal et les qualités des laits et des fromages.

L’ensemble des essais avec du sainfoin en foin ou au pâturage ont montré la forte appétence des chèvres pour cette plante. Les résultats zootechniques dépendent fortement de la qualité du fourrage distribué mais, de manière générale, grâce à une ingestion supérieure pour le sainfoin, nous avons observé une production de matière utile légèrement supérieure, quel que soit le mode de conservation (foin ou vert). Au regard des quantités ingérées, il est indispensable de veiller à la qualité en particulier en raison du coût plus élevé de ce fourrage. En terme de transformation fromagère, aucun défaut n’a été constaté sur l’aptitude à la transformation des laits, ni sur les qualités sensorielles. L’ensemble des fromages (à base de lait cru ou pasteurisé) ont présenté des notes assez similaires entre les deux régimes. Les tests auprès des consommateurs ont révélé une intention de consommation à nouveau supérieure à 60 % pour les fromages des deux régimes. Enfin, concernant la gestion du parasitisme gastro-intestinal, nous avons observé une diminution de l’excrétion des œufs de strongles gastro-intestinaux. Cependant, la réponse reste faible et très variable entre individus et cette cure comprise entre 17 et 20 jours ne semble se substituer à un traitement anthelminthique pour l’ensemble du troupeau. La variabilité des niveaux de parasitisme et d’effets antiparasitaires potentiels du sainfoin peut s’expliquer par des niveaux d’ingestion variable, une part réelle de sainfoin variable dans la ration fourragère et des différences en termes de teneur en tannins condensés présents dans la plante en fonction du stade végétatif à la récolte.

Les deux essais conduits en 2020 et 2021 pour évaluer l’intérêt du pâturage de plantain lancéolé ont permis de mettre en évidence la difficulté de maîtrise de cette plante dans un système bas-intrant. Comme toute herbacée semée en pur, la production du plantain est conditionnée à l’apport d’azote minéral. Le dispositif Patuchev utilisant exclusivement une fumure organique, le plantain a présenté une production limitée durant sa période d’implantation. Malgré une réelle appétence, nous n’avons pas pu mettre en évidence d’intérêt en terme de performances zootechniques en raison de la forte diminution de sa valeur nutritionnelle avec l’avancement du stade végétatif. L’évaluation de l’impact sur le niveau d’excrétion d’œufs de strongles n’a pas pu être mis en évidence en raison d’un niveau d’infestation très faible des chèvres support de l’étude. Enfin, aucune différence en terme d’aptitude à la transformation fromagère ou de qualités sensorielles n’a été mis en évidence entre le pâturage de plantain et celui d’une prairie multi-espèces. Dans un mélange prairial contenant des légumineuses, cette plante présente cependant un intérêt en terme d’apport de diversité dans le régime alimentaire et en raison de sa précocité pour le pâturage.

  • Valorisation des méteils en grains entiers ou aplatis et efficience protéique des ressources dans un système pâturage

La France est le premier pays européen producteur de lait et de fromages de chèvre. Un des enjeux de la filière caprine française est d’améliorer la durabilité des élevages en améliorant l’autonomie alimentaire par une plus grande utilisation de l’herbe et en limitant les achats d’aliments concentrés. L’utilisation d’associations céréales-protéagineux distribués en grains constitue une des solutions techniques. Cependant, aujourd’hui, il n’existe que peu d’information sur son niveau de valorisation par la chèvre laitière et l’effet d’aplatir ou non les grains entiers. L’objet de cette essai factoriel mené en 2020 a été de déterminer l’effet de l’aplatissage des grains entiers sur les performances laitières et la perte de grains entiers dans les fèces des chèvres Alpines nourries avec un foin séché en grange. Deux lots homogènes de 23 chèvres de race Alpine en milieu de lactation (165 jours) ont été constitués. Durant 14 jours, les chèvres ont reçu, chaque jour, un foin séché en grange à volonté et 1 kg de concentrés distribués individuellement, dont 400 g d’un mélange de grains de triticale et de pois. Ce mélange a été distribué en une seule fois sous forme de grains aplatis pour un lot et sous forme de grains entiers pour l’autre lot. Aplatir les grains n’a eu aucun effet sur les niveaux d’ingestion de foin, le taux protéique, l’urée et la numération cellulaire du lait. La production laitière a été supérieure de 12 % lorsque le méteil est méteil et le taux butyreux était significativement supérieur de 5,9 g/kg lorsque les chèvres étaient nourries avec des grains entiers (43,9 g/kg contre 38,0 g/kg). La matière utile produite n’a finalement pas été différente entre les deux groupes. Le nombre de grains entiers observés dans les fèces est supérieur pour les chèvres recevant le mélange sous forme de grains entiers (88,7 contre 2,2), ce qui constitue une perte et une forme de gaspillage.

L’augmentation continue de la population mondiale, couplée à une tension croissante de l’utilisation des terres et des ressources (renouvelables ou non), implique de mieux utiliser ces dites-ressources. Dans le cadre du projet ERADAL, l’objectif a été d’évaluer l’efficience d’utilisation des ressources alimentaires des trois systèmes du dispositif Patuchev sur 3 campagnes de 2016-2018. Les résultats porteront spécifiquement sur le système saisonné conduit au pâturage dont l’effectif était en moyenne de 63 chèvres. Les indicateurs d’efficience protéique et énergétique ont été calculés à partir des données d’alimentation mesurées quotidiennement et un suivi régulier de la qualité des aliments. En moyenne, les chèvres ont produit 702 litres de lait par an et 70 chevreaux par an ont vendus à 8 jours pour l’engraissement. Les chèvres pâturent en moyenne 179 jours par an des prairies multi-espèces. L’autonomie alimentaire moyenne était de 80 %, soit 19 % de plus que la moyenne des élevages caprins du réseau Inosys-Réseaux d’élevages. L’efficience énergétique brute était en moyenne de 0,10 et l’efficience protéique brute de 0,18 en moyenne, ce qui signifie qu’une chèvre consomme 1 / 0,18 = 5,5 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines animales. 82 % des protéines et 81 % de l’énergie consommées par le troupeau n’étaient pas consommables par l’humain. L’efficience protéique nette était en moyenne de 1,02. Une chèvre consomme donc en moyenne 1 / 1,02 = 980 g de protéines végétales en compétition avec l’alimentation humaine pour produire 1 kg de protéines animales. Ce type de système d’élevage basé sur le pâturage est consommateur net d’énergie mais producteur net de protéines. Il faut cependant veiller aux caractéristiques des concentrés utilisés et à leur quantité pour limiter la compétition avec des ressources protéiques potentiellement valorisables par l’humain.

  • Préférence des chèvres vis-à-vis de quatre types de brosses

Afin d’améliorer le bien-être des chèvres laitières en élevage, et ainsi de mieux répondre aux attentes sociétales de plus en plus fortes, une solution consiste à mettre en place des objets d’enrichissement (amélioration du milieu de vie). Ces derniers agissent pour le bénéfice comportemental des animaux en réduisant l’expression de comportements inappropriés et en stimulant les émotions positives. Parmi les enrichissements les plus faciles à mettre en place et déjà disponibles dans le commerce se trouvent les brosses. Les brosses devraient permettre aux chèvres de satisfaire leur besoin de maintenance (toilettage) tout en améliorant leur confort en leur offrant un support adapté de brossage et de grattage. A l’heure actuelle, nous voyons arriver sur le marché différents types de brosses, avec des prix très variables (de 100 à 1400 €), mais très peu d’études se sont intéressées aux chèvres.

Une étude a donc été menée sur le dispositif Patuchev en 2021 afin de voir quelles sont les préférences des chèvres en termes de brosses, et en termes de zones du corps que les chèvres préfèrent brosser. L’étude a été menée sur deux périodes expérimentales (Mars et Juin 2021) sur deux lots de chèvres ayant les mêmes conditions d’élevage à la différence que l’un des lots est 100% du temps en bâtiment tandis que l’autre à accès au pâturage une grande partie de l’année. Dans cette étude, quatre types de brosses, équipées de capteurs, ont été installées pour les deux lots. Ces brosses diffèrent par leur taille et leur sophistication (de la brosse fixe à la brosse automatique motorisée). Les résultats obtenus à l’issue des périodes expérimentales montrent que les chèvres préfèrent se brosser avec la brosse motorisée automatique. Ils montrent aussi que les brosses semblent réduire le temps que les chèvres passent debout inactives et font diminuer le nombre de fois où les chèvres se grattent contre l’environnement, sans que le nombre d’auto-toilettages varie. Les chèvres au pâturage utilisent visiblement presque autant les brosses que les chèvres en intérieur. Ces résultats montrent que les chèvres utilisent différemment les brosses, ce qui les rend complémentaires. Leur mise à disposition simultanée constitue bien un enrichissement du milieu puisqu’elles sont toutes utilisées et que l’impact sur le bien-être est positif sur la période d’observation (report du grattage sur des supports adéquats et réduction de l’inactivité, ennui…). A la fin de cette étude nous avons pu constater visuellement (évaluation qualitative) un bon état de conservation des 4 modèles de brosses. La densité de poils sur chaque brosse semble s’être maintenue et les supports n’ont pas été ou peu abîmés. Contrairement à la brosse automatique, les 3 autres brosses présentent toutefois l’avantage d’un mécanisme simple, potentiellement moins à risque d’usure ou de défectuosités, et ne consommant pas d’électricité.